Le dernier des tissus est le plus fini, le plus raffiné et probablement le plus essentiel pour nous. Shukra dhatu représente la semence, le sperme et les ovules.
Plus aucune « digestion » n’est possible, shukra dhatu ne peut être qu’expulsé ou « sublimé ». La sublimation, ou transformation, produit Ojas, l’elixir de vie qui va soutenir tous les autres dhatus en favorisant la stabilité et la circulation.
Principes du shukra dhatu
Au sein du corps, le shukra se forme lorsque le majja se déplace à travers le srota shukra vaha qui sont des canaux qui acheminent le majja jusqu’aux tissus reproducteurs appelés dhara kala shukra. Puis il est digéré dans le shukragni (feu digestif). Le résidu produit par cette action se nomme le smegma. On peut observer ce dépôt blanchâtre autour du sexe.
Contrairement aux autres dhatus, il n’y a pas de forme instable du shukra qui est digéré et transformé en un autre dhatu puisque celui-ci clôture le cycle des dhatus. Il y a cependant, un aspect unique du shukra qui passe bien par une transformation, cela s’appelle la sublimation. De cette sublimation naissent les ojas qui désignent la vitalité première et l’essence même du dosha Kapha. Les ojas se déplacent et deviennent des parties de chaque dhatu leur conférant force et stabilité.
Le périple démarrant du rasa et aboutissant aux ojas est un cycle qui dure entre une semaine et un mois, selon les principales théories ayurvédiques et bien entendu, selon les constitutions.
Le Shukra Dhatu et les Doshas
La santé du shukra repose en grande partie sur l’état du shukragni. Lorsque le kala, qui désigne la membrane, qui sépare le dhatu de son organe et qui héberge l’agni est perturbé par Vata, l’agni devient instable. Cela conduit à une production en faible quantité du tissu. Pour les hommes, la quantité de sperme peut être faible tout comme la mobilité des spermatozoïdes. Pour les femmes, la formation des ovules et leurs réactions aux hormones peuvent être déséquilibrées.
Si Pitta dérègle le kala, la quantité s’affaiblit également et les tissus surchauffent. Les ovaires et les testicules peuvent être sujets à des inflammations.
Enfin si Kapha est responsable, la quantité de shukra augmente mais sa production est de piètre qualité. La quantité de sperme sera normale ou élevée mais le nombre et la qualité des spermatozoïdes seront faibles. Chez les femmes, le bon développement des ovules et leurs éjaculations peuvent être obstrués et perturbés. Cela peut provoquer un kyste ovarien.
Bien que chaque dosha puisse perturber le srota mahavaha et pénétrer dans le shukra dhatu et srota shukra vaha, les dégâts du dhatu et du srota sont souvent causés par Vata.
L’excès de Vata peut assécher le shukra et ses fluides ayant pour conséquence l’infertilité. Le dhatu et le srota sont aussi affectés via la suppression du désir sexuel
L’influence du Shukra Dhatu sur notre esprit
Au niveau psychologique, le shukra dhatu est associé à notre créativité. Lorsque le shukra est sain, nous jouissons d’une créativité naturelle et instinctive ainsi que d’une habilité pour passer de l’idée créative à une réalisation.
Si le dhatu est pauvre ou malade, nous conservons cet instinct créatif sans pour autant pouvoir réaliser cet esprit créatif et le coucher sur papier. Nous pénétrons ici, dans le cœur des caractéristiques psychologiques de Vata. Aussi un excès de ce dosha aura des conséquences importantes sur le shukra.
Si le dhatu est en excès, le flux créatif peut être bloqué. Le cas échéant, le flux peut être ralentit et régulier. On tombe alors dans l’influence psychologique de Kapha qui réside dans l’immobilisme et la régularité.
Enfin, l’impact de Pitta sur le shukra va provoquer une augmentation de la passion dans le processus créatif. Le pitta peut par contre brûler tout instinct créatif s’il est en excès.
Soins du shukra dhatu
D’un point de vue alimentaire, l’eau est l’élément qu’il faut nécessairement absorber pour avoir un dhatu shukra sain. L’eau est l’élément nourrissant du corps et des dhatus, le shukra sa forme la plus raffinée. Les autres dhatus ayant une prédominance de l’élément de l’eau sont le rasa et le medas.
L’eau du shukra est l’essence de toutes les eaux du corps, il est alors primordial de produire une essence de qualité. Les aliments qui ont un potentiel élevé de shukra sont onctueux, ils incluent le lait, les viandes, les jus, le ghi et les noix.
D’un point de vue médical, l’examen par un médecin est très utile afin comprendre et soigner tout désordre des doshas. Le praticien dans son diagnostic doit notamment se concentrer sur le style de vie du patient. Bien souvent c’est dans ce quotidien que réside les causes d’une perturbation ou d’une maladie et donc que repose les clés du traitement.
Retrouver un rythme équilibré est nécessaire pour chacun des doshas (avec une prédominance pour Vata). Le repos est aussi un moyen efficace pour retrouver une harmonie en particulier si Vata est responsable des troubles. Lorsque Pitta est en cause, il est nécessaire d’éviter toutes activités intenses et compétitives. Lorsqu’il s’agit de Kapha, il faut au contraire pratiquer des activités énergiques et se dynamiser.
L’influence de la vie sexuelle sur le dhatu shukra est plus complexe qu’il n’y paraît. Ainsi, le brahmacharya signifie le célibat et il est souvent expliqué que la pratique saine et efficace du célibat conduit à une vie plus longue et plus saine.
Cependant, il est tout aussi accepté que ceux ayant une vie sexuelle forte n’ont aucuns effets négatifs de cette activité. Par conséquent, on peut conclure que l’activité sexuelle n’est pas la raison directe d’un affaiblissement d’une personne mais qu’il s’agit plutôt qu’une personne faible s’affaiblit d’autant plus par son activité sexuelle. Le soin et la restauration de l’équilibre pour cette personne passe par la thérapie du vajjkarana (thérapie centrée sur les troubles physiques et psychologique autour de la sexualité).
La vie sexuelle dépend plus, en vérité, de la position du dharma (la volonté en sanskrit) d’une personne. Ainsi, si le dharma d’une personne a pour objectif de fonder une famille, la vie sexuelle est importante pour assurer la bonne santé du shukra. En revanche, si celui-ci est centré sur la vie spirituelle, la vie sexuelle en est fortement réduite.
Globalement, il faut retenir que les kaphas ont une structure plus propice pour soutenir une vie sexuelle dynamique sur le long terme. Ils ont une endurance qui les rend peu sujet au manque de shukra. Les vatas à l’inverse peuvent rapidement manquer de shukra, aussi leur vie sexuelle est très variable et ils doivent l’aborder avec prudence. Enfin les pittas, grâce à l’eau qu’ils détiennent naturellement, ont un niveau de shukra que nous pouvons qualifier de modérer. Leurs relations sexuelles se caractérisent toutefois par la passion qu’ils engagent dans celles-ci.
Enfin, il faut noter qu’en général la pratique du yoga (asana, pranayama et la méditation) entraîne une hausse de l’abstinence car leur pratique nécessite de hauts niveaux de shukra et d’ojas.
Pour préserver ce dhatu qui a une importance capitale dans notre fonctionnement tant physique que psychique, il faut donc boire et consommer beaucoup d’aliments à base d’eau et surveiller son activité sexuelle si ce dhatu est déséquilibré.